Le baroque futuriste de Michel Guino
Cette rétrospective – à l’échelle d’une galerie – nous permet de retrouver l’œuvre injustement méconnue du sculpteur Michel Guino, et cela en dépit de nombreuses commandes publiques réalisées en France. Ses prestations dans divers Salons ont cessé et da précédente exposition remonte à 1993 à la Bouquinerie de l’Institut. Ses débuts à la galerie Creuze en 1955 lui donnent d’emblée une place de choix parmi les jeunes sculpteurs d’après-guerre aux côtés de Féraud, César et Hiquily, ce dernier issu comme lui de l’atelier de Gimond.
La figure tutélaire du Père Ricado Guino dans l’ombre de Renoir, mais aussi tous les modèles emblématiques, de Michel-Ange à Giacometti, auraient pu paralyser cet artiste épris de liberté. Face à l’espace, Michel Guino répond ouverture de la forme. Il travaille guidé par une intuition. À ses débuts, il modèle la cire. Le Déporté, un bronze de 1951, une de ses premières sculptures est montrée. La Grande Ombre, une œuvre de 1958 en cuivre patiné, travaillé directement, offre cet élancement vertical d’une figure humaine bientôt absorbée par l’abstraction, adaptée à un imaginaire en constante émulation. À partir de 1961 il travaille sur deux fronts. Quand il ne recourt pas aux éléments mécaniques comme les ailettes de réacteur, des hélices, des pièces de moteur, il reprend leurs formes en fer et en acier inoxydable qu’il découpe aux cisailles et martèle avant de souder les plaques irrégulières et incurvées dans des architectures aériennes. À L’Hommage à Vaste de Gama, un cuivre de 1962, répond quarante années plus tard, Pétales de l’espace et Ailettes en
2004. Chez Guino, le jeu et le hasard sont soumis à sa connaissance intuitive du matériau dompté par un métier infaillible. Il orchestre ses formes en une symphonie plastique mue par des tensions réactivées par des déséquilibres jugulés. Guino questionne et exploite l’improbable, ferre le mystère de la technologie. Il délivre sa vérité intérieure, d’une façon ludique, Renault Man en aluminium et en acier, 1968, baroque, Le Grand Ventôse en inox, 2000. Que cherche-t-il ? « L’Os des choses ». La ferveur l’accompagne dans sa quête poétique, comme sur Grande impatience en inox de 1982. Il faut regarder ses dessins, libres et dominés, traversés par la lumière dont il s’est fait un allié accompagnant discrètement ses sculptures. La poésie de Guino est une des réponses à l’énigme du monde.
Lydia Harambourg
Article paru dans La Gazette de l’Hôtel Drouot N° 39 du 12 Novembre 2004,
à l’occasion de l’exposition à la Galerie de la Bouquinerie de l’Institut.