Années de jeunesse
Michel Guino nait le 28 septembre 1926 à Paris, de Gabrielle Borzeix et Richard Guino ; il est le troisième de six enfants.
Années de jeunesse
Michel Guino nait le 28 septembre 1926 à Paris, de Gabrielle Borzeix et Richard Guino ; il est le troisième de six enfants.
C’est dans l’atelier de son père, sculpteur d’origine catalane, qu’il entre, dès son plus jeune âge, en contact avec le monde de l’art et des formes. Après avoir fréquenté l’Académie de la Grande Chaumière en 1943, il entre l’année suivante à l’École des beaux-arts de Paris, où il rencontre César, Albert Féraud et Philippe Hiquily, comme lui dans l’atelier de Marcel Gimond. En 1946, Michel Guino s’installe avec quelques artistes à Oppède-le-Vieux, un village du Vaucluse. Là, à défaut de marbre ou de bronze, trop chers pour sa carrière débutante, Guino travaille surtout la pierre, qu’il trouve en abondance, et le plâtre, peu onéreux. Mû par le même souci d’économie, il commence à explorer les matériaux de récupération.
En 1948 il épouse Lise Prévost, dont il se séparera, mais avec qui il aura trois enfants : Clotilde, Isabelle et Guillaume.
La même année il découvre le travail de Julio Gonzalez, catalan comme son père, dont l’œuvre l’éclaire, le stimule et lui montre la voie du métal.
La découverte du métal
En 1951 il entre pleinement dans la sculpture du métal : laiton, plomb, fer deviennent ses matériaux. « Le métal, écrira Guino, nous permet un nouvel espace, une conception plus cosmique de la forme et de la lumière, qui reste la véritable matière à manier ». Ses premières sculptures métalliques sont principalement des personnages filiformes faits d’objets métalliques de récupération : clous à ferrer les chevaux, clefs ou crasses de fonderie lui servent de matière première. Puis il explore et expérimente progressivement l’abstraction : « Largement figuratives à l’origine, les œuvres sont très vite allégées, épurées, éthérées, tout en restant longtemps marquées par d’évidentes références à la morphologie humaine », écrira Jean-Luc Epivent.
A la fin de l’année 1956 la figure laisse définitivement la place aux composions abstraites. Il assemble des fragments de cloches pour créer des sculptures parfois aériennes, évoquant des voiles gonflées par le vent ; d’autres structures hiératiques semblent s’étirer vers le ciel ; des restes d’obus en cuivre ou laiton lui offrent la matière de créations foisonnantes de formes nouvelles.
Dès le milieu des années cinquante, il expose régulièrement en galeries, biennales et salons : les galeries Creuze, Iris Clert et Claude Bernard sont parmi les premières galeries parisiennes prestigieuses à l’inviter à exposer. Il exposera aussi chez Rasmussen à la Galerie AAA ou chez Marcel Zerbib à la Galerie Diderot.
En 1959 Michel Guino expose à la première Biennale de Paris et obtient le Prix de la Critique pour Les pétales de l’espaces, puis le Grand Prix de la Sculpture de la Ville de Marseille, qui acquiert à cette occasion Le manteau vide pour le musée Cantini. En 1961 il obtiendra aussi le Prix André Susse « pour l’ensemble de l’œuvre », grâce au soutien d’Alberto Giacometti.
Dès 1960, il trouve chez les ferrailleurs des ailettes de réacteurs d’avion et des hélices, qui deviennent l’un des matériaux principaux de son art, presque une signature. Il laisse percer son goût pour les formes industrielles et par une habile transmutation, en y introduisant le chaos, il y fait éclore la poésie.
Quand il ne recourt pas à des éléments mécaniques, il découpe des formes en fer et en acier inoxydable et les martèle avant de souder les plaques irrégulières dans des architectures aériennes. « Chez Guino, le jeu et le hasard sont soumis à sa connaissance intuitive du matériau dompté par un métier infaillible », écrira Lydia Harambourg.
Tout au long de sa vie Michel Guino rencontre de nombreux artistes et personnalités avec qui il a des échanges enrichissants, comme avec Marcel Duchamp et Georges Bataille qu’il rencontre en 1960 chez Marie-Laure de Noaille, ou avec Jean-Luc Godard qui lui achètera l’œuvre-robot Prométhée en 1965.
Sculpture et Architecture
En 1964, grâce aux encouragements de son ami et architecte Elie Azagury, l’artiste va aussi s’interroger sur les nécessaires rapports à instaurer entre architecture et sculpture : « J’ai toujours eu envie de placer une sculpture dans un ensemble moderne dira Guino, non pas comme simple objet d’ameublement mais comme signe chargé près de l’homme ». Il crée ainsi une première œuvre monumentale à Agadir lors de la construction par Azagury d’un centre pour l’enfance. Il débute ainsi une série d’œuvres monumentales qu’il poursuivra jusqu’à la fin de sa vie. Il réalisera par exemple, avec son ami Albert Féraud en 1970, une grande fresque métallique pour la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de Nice ou son Don Quichotte évoquant les paquebots à proximité du Musée des Sables de Port Barcarès.
En 1965, il travaille avec le poète, artiste et éditeur russe Ilia Zdanevitch, dit Iliazd, rencontré dix ans plus tôt, à l’illustration du poème de Paul Eluard Un Soupçon.
En 1966 Michel Guino rencontre Dali, qui lui commande une petite sculpture de la tête de Mao mêlée à celle de Maryline Monroe, qu’il réalise en 1967.
Les Machins chose
Après avoir largement arpenté les champs de l’abstraction, il se rapproche de nouveau de la figuration en 1970 par la création de sortes de robots semblant prêts à se mettre en marche, créant la série des « Machin Chose » ou « l’Homme qui marche ».
A cette époque il invente aussi des sculptures jeux, des tables, des jeux d’échecs, des bijoux, assemblant autant des circuits électroniques que des pédales de piano coupées en tranches ou divers objets de récupération. Il crée ainsi, selon les mots de la critique d’art Lydia Harambourg, un « univers baroque et futuriste, souvent empreint d’inquiétude ». D’ailleurs, pour Michel Guino, graveur, dessinateur, créateur aux talents multiples, la sculpture représente « l’art le plus inquiet ».
1970 C’est aussi l’année où il rencontre Corinne Charpentier, qu’il épousera quelques années plus tard et dont il aura une fille, Ariane, qui naît en 1973, deux jours avant le décès de son père Richard. Les émotions mêlées semblent avoir souvent accompagnées la vie de Michel Guino, dont tous lui reconnaissent d’ailleurs un charme fou, malgré un sacré caractère.
Richard Guino et Auguste Renoir
Pendant plusieurs années Michel Guino s’est en quelque sorte éclipsé pour œuvrer à la reconnaissance du rôle joué par son père dans l’élaboration des sculptures d’Auguste Renoir. En effet, à partir de 1913, Renoir étant très affaibli, voyant peu et perdant l’usage de ses mains, confie la réalisation des sculptures qu’il imagine au jeune artiste Richard Guino, sur les recommandations du marchand Ambroise Vollard. Guino, considéré par Maillol comme son meilleur élève, sera « les mains » de Renoir et transposera dans la matière, avec une grande justesse, la vision du peintre. Dès 1947, l’historien d’art Paul Haesaerts écrit d’ailleurs dans Renoir sculpteur « Guino ne fut jamais simplement un acteur lisant un texte ou un musicien interprétant mécaniquement une partition […]. Guino était impliqué corps et âme dans l’acte créatif. On peut même affirmer avec certitude que s’il n’avait pas été là, les sculptures de Renoir n’auraient pas vu le jour. Guino était indispensable ».
En 1965 Michel initie pour son père une procédure en justice, pour faire reconnaître Richard Guino comme co-auteur des sculptures de Renoir, reconnaissance qu’il obtiendra en 1971, confirmée en cassation en 1973.
En 1977 une exposition rend hommage au travail de collaboration entre Richard Guino et Auguste Renoir aux Collettes, l’ultime demeure du peintre à Cagnes-sur-Mer.
Les années suivantes et jusqu’en 1983, Michel Guino voyage beaucoup entre New York et le Maroc pour y travailler et surtout défendre l’œuvre de son père.
En 1983 Michel Guino s’installe à L’Ormois dans le Loiret, où il achète la maison du peintre Vallotton. Il y restera jusqu’en 2005 où il s’installe à Lancieux en Bretagne, auprès de sa fille Ariane et ses petits-enfants. Michel Guino y décède le 5 septembre 2013, quelques jours avant son 88ème anniversaire.
Poète de la forme
Ce qui frappe chez Guino, malgré la pluralité des voies de recherche, c’est le maintien de l’unité du style dans toute son Œuvre : verticalité, équilibre subtil entre force et légèreté, élégance et dislocation, Michel Guino est avant tout un poète de la forme qui s’est fait un allié de la lumière : « Je me mets devant des bouts de matières et de matériaux, je les questionne et je les fais danser », disait-il.
En 2004, une exposition à la Bouquinerie de l’Institut à Paris présentait des pièces anciennes et nouvelles, permettant de retrouver avec joie la puissance de l’Œuvre de Michel Guino.